Femmes
Trois générations de femmes se construisent un quotidien et prennent soin les unes des autres. Entre sa mère et sa fille pleines de joie, une femme habitée par une grande part d’ombre survit grâce à elles.
J’écris ce texte le 6décembre 2022. Ou plutôt, je l’entame, car je n’ai pas fini d’y revenir, mais je ne le sais pas encore, à l’heure où la province commémore collectivement le féminicide de Polytechnique.
Écrit à quatre mains, Les allongées est un «album-souvenir», un «catalogue d’images qui nous ont façonnées», collectionnant «toutes ces femmes-perles le long d’un fil qui nous rassemble».
Tombé entre le trône de velours de la philosophie et le fauteuil capitonné de la psychanalyse, ce livre s’ingénie à réconcilier, par une théorie de la fantasmatique, le subjectif et le textuel, le désir et la rationalité.
Neuf jeunes femmes sont réunies dans l’hôtel d’un village. Elles y apprennent l’art du service pour d’éventuels clients qui n’arrivent pourtant pas. Atmosphérique, Strega, de Johanne Lykke Holm, est d’une lucidité implacable quant au sort réservé au genre féminin.
Avec Mouvements, Catherine Voyer-Léger inscrit dans un objet pérenne (le livre imprimé) sa quête d’enracinement.
C’est une amitié entre deux femmes, deux poètes et deux générations, amorcée par un jumelage à l’occasion du collectif Ce qui existe entre nous (Passage, 2018), paru sous la direction de Sara Dignard. Elle se poursuit au fil des pages, contre l’éloignement physique involontaire de la pandémie.
Chienne (Héliotrope, 2019) nous avait laissé·es K.-O. Dans son livre Armer la rage, Marie-Pier Lafontaine nous prévient: elle n’utilisera pas de gants blancs. Qu’on se le tienne pour dit. Oui, la littérature peut frapper très fort.
Si le discours ambiant tolère la remise en ordre d’un monde plus égalitaire pour tous·tes, les scripts patriarcaux n’en poursuivent pas moins leur travail de sape de notre imaginaire. Pleins feux sur un décryptage littéraire qui s’impose.
Sensible et profonde, la nouvelle pièce de Véronique Côté cristallise habilement les multiples enjeux de la prostitution.
S’adressant à sa grand-mère guaraní, Fiorella Boucher remonte le fleuve familial et expose une émouvante quête d’absolution dans L’abattoir c’est chez nous.
Dans son deuxième recueil à Moult éditions, l’autrice derrière Bureau Beige passe au tordeur les relations jetables à l’ère des téléphones intelligents.
Un premier roman qui surgit comme un doigt d’honneur adressé à la fatalité.
La voleuse est l’histoire de celle qui s’est fait prendre. Celle qui est toujours et déjà enfermée et parle depuis sa cellule.
Avec Parmi celles qui flambent, Noémie Roy signe un premier recueil époustouflant sur les passages obligés de la peine, de la brûlure jusqu’aux recommencements.
Dans La fille d’elle-même, Gabrielle Boulianne-Tremblay donne à lire la résilience et le courage d’un parcours trans.
C’est particulièrement fébrile que j’ai ouvert l’Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec, publiée à Remue-ménage, maison d’édition qui a fait coïncider la parution du florilège avec son quarante-cinquième anniversaire.
« femmes manifestes » : le dossier le plus volumineux jamais publié par LQ pour réfléchir à la prise de parole et la création.
Dans une poésie salvatrice, Julie Delporte aborde, sous l’angle de la guérison et de la sororité, les violences sexuelles vécues par les femmes.
Avec Nino et Gamètes, Rébecca Déraspe poursuit une réflexion humoristique et lucide sur certains des enjeux féministes de sa génération.
À la croisée des chemins de la fresque familiale et du bestiaire, Le corps des bêtes est un roman exigeant, aussi touffu que la faune et la flore qu’il met en scène. Une œuvre ambitieuse et envoûtante.
Il était une fois, une sorcière qui avait l’air d’une fée. Une princesse qui n’avait que faire des apparences. Elle ne va pas au bal. Elle crée, porte du linge mou, et se couche tôt.
Petite brindille de catastrophes, le premier recueil de Mimi Haddam, est une exploration toute en matière des enjeux liés au corps féminin, au corps contrôlé, policé, mais surtout au corps réapproprié.
La solitude féminine est un motif inépuisable dans la tradition littéraire nouvellistique autant que romanesque. En s’inspirant d’expériences ordinaires souvent tues, Nous sommes bien seules renouvelle le genre avec talent.
«La dent de l’éléphant», Sin el Fil en arabe. Fil c’est l’éléphant, Sin la dent. La première leçon d’arabe pour les plus jeunes des six enfants Abdelnour, dont la famille revient à Beyrouth après une quinzaine d’années passées à Montréal.
Une femme cherche à retrouver sa mémoire. Toute une partie de son enfance s’est évanouie, effacée par des années de vagabondage.
Les trois auteures de La Coalition de la Robe rêvent d’un théâtre où spectatrices, dramaturges, comédiennes et metteuses en scène prendraient «leur place, toute leur place».
À mi-chemin entre le conte d’émancipation et le poème, le quatrième livre de Catherine Lalonde
en est un dans lequel le langage est la réelle fée marraine.
Pauline Marois a brisé le mythique plafond de verre pour les femmes en devenant, en 2012, première ministre du Québec. Cet accès au pouvoir, ponctué de défis et de difficultés, fait de la biographie d’Élyse-Andrée Héroux un ouvrage très attendu.
Ce livre de Daphné B. est une valeur sûre qui résiste à l’économie volatile gris-vert.
Avec Les jardins de linge sale, son premier recueil, Laurence Gagné démontre un réel talent de magicienne de l’ordinaire.
Au printemps 2016, un homme bien habillé a fait scandale. Invité pour une causerie à l’Université de Boston, Gay Talese – écrivain et journaliste, celui-là même que vous avez vu sur Netflix dans un documentaire portant sur le motel d’un voyeur – répondait à un membre de l’auditoire qu’aucune femme reporter ne l’avait jamais influencé puisque les femmes, a-t-il expliqué, ont peur de parler aux étrangers et ne s’intéressent pas aux sujets vulgaires pour leurs reportages.
Elles sont nombreuses, ces poètes, à mettre en mots leur malaise social. Deux nouvelles plumes traduisent la solitude des écrivaines du millénaire.
Pas même le bruit d’un fleuve est une sorte de « romanquête » racontant la révélation, par une narratrice écrivaine, des vestiges que sa mère énigmatique et récemment décédée a laissés derrière elle, et à partir desquels est reconstitué le récit escamoté de sa vie.
Dans ce premier roman, Jennifer Bélanger entremêle avec sobriété plusieurs thèmes qui résonnent avec pertinence : douleurs physiques, liens générationnels féminins et marginalité sociale.
Liste de lectures compilée par Nicholas Dawson (doctorant à l’UQAM, directeur littéraire aux éditions Triptyque et auteur), Zishad Lak (doctorante à l’Université d’Ottawa) et Pierre-Luc Landry (professeur à l’Université de Victoria, directeur littéraire aux éditions Triptyque et auteur).
Ici, la peur s’immisce entre les fils générationnels, devenus inextricables à force de violence perpétrée.
Élégant premier roman, Petite Madeleine dessine la trajectoire d’une lignée de femmes, et redéfinit le sens du mot «résister».
Entrer dans cet ouvrage de Heather O’Neill constitue une expérience s’apparentant à accepter l’immense bouquet de fleurs tropicales que nous tendrait de bon matin le mafieux du coin, sourire doré en sus.
On le réalise de plus en plus: on devrait se souvenir des noms des victimes plutôt que de ceux des assassins. Grâce au plus récent livre de François Blais, on n’oubliera jamais celui de Mélanie Cabay.
Nathalie Watteyne et une équipe de chercheurs célèbrent le centenaire d’Anne Hébert (1916-2000) par un recueil de critiques captivant, qui expose les plus récentes découvertes sur cette œuvre considérable.